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 Discours de rentrée académique de l'ULB 2007, J. BRAUNER

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Geoff
Vieux très con
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Geoff


Messages : 36
Date d'inscription : 07/08/2007
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Discours de rentrée académique de l'ULB 2007, J. BRAUNER Empty
MessageSujet: Discours de rentrée académique de l'ULB 2007, J. BRAUNER   Discours de rentrée académique de l'ULB 2007, J. BRAUNER EmptyLun 8 Oct - 23:52

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Membres des Corps constitués,
Monsieur le Président, Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil,
Chers professeurs, émérites et autres,
Chers membres du personnel de notre Université,
Chers assistants,
Chers chercheurs,
Chers étudiants,
Chaires privées,

En cette séance de rentrée académique, je me ferai le porte-parole de l’entièreté de la délégation étudiante. En cette occasion, je vous propose d’établir le mécanisme physio-génético-pathologique de notre institution. Soulignons à ce propos que nous fêterons bientôt les 175 ans de notre université ainsi que les 40 ans de la découverte d’une nouvelle mutation d’un gène inconnu jusqu’alors, appelé MAI68, et ayant octroyé un avantage sélectif à notre Alma Mater : la participation étudiante.

Mesdames, Messieurs, comme le dirait un brillant acteur français décédé cette année : « la situation est grave mais pas désespérée ». Notre université, en perte de vitesse, en perd aussi ses valeurs. Après avoir, tel Faust, vendu son âme au démon de la marchandisation, son état est désormais critique. Sans doute pouvons-nous dire que « la situation est grave et désespérante ».

Nous avons pu voir l’encéphalogramme de notre institution, d’ordinaire plat (surtout à Erasme), adopter un rythme frénétique suite à la fièvre de valeurs et les spasmes du portefeuille de notre université.

Ainsi, la mise en place d’un chantier « valeurs » s’apparente à une sorte de confession : l’ULB a-t-elle en effet constaté qu’elle ne respectait plus ses valeurs, pour que nos autorités académiques nous incitent de la sorte à la remise en question ?

L’affaire dites des « 3 points » a secoué notre université jusque dans sa moelle démocratiques. A cette occasion, il est apparu clairement qu’une rupture de dialogue entre autorités et étudiants mène implacablement à la crise de foi dans nos structures.

Il s’en est suivi « l’affaire Ramadan », véritable feuilleton médiatique dont les réponses stériles et puériles par médias interposés ont permis au quotidien le Soir de devenir durant quelques semaines le journal d’entreprise de notre université. Pour rappel, ce personnage fortement contesté, aux options philosophiques suspectes, fut prohibé par nos doctes spécialistes es sciences occultes. Cette décision n’est qu’une autre manifestation du manque de confiance entre autorités et communauté universitaire. En effet, le GLEM des « Sages » a craint que les membres de notre université ne subissent une sorte de « lobotomie » qui les poussent à embrasser les opinions de M. Ramadan. Ce faisant, les autorités ont annoncé la mort cérébrale de notre institution, puisque selon elles, il ne se trouve nul membre de cette communauté qui puisse s’avérer, en débat, l’égal de l’obscurantiste islamologue.

Mesdames, Messieurs, j’ai ainsi dressé une liste de symptômes et signes. A présent il nous faut nous poser la question suivante : quelle démarche diagnostic pourrions nous-mettre en place pour résoudre les problèmes et quels traitements empiriques administrerons-nous ?

Mesdames, Messieurs, de nombreux check-up le confirment, année après année, la Belgique est en bonne place pour décrocher la palme d’or des inégalités à la sortie du secondaire. De fait, les disparités entre écoles sont, en Communauté française, tout à fait criantes. La responsabilité des politiques est ici pleine et entière. A quand un ou une Ministre qui prenne enfin le temps d’ausculter l’enseignement secondaire, afin de proposer un traitement multidisciplinaire ? Repenser la structure, la répartition des moyens, favoriser les contacts entre les institutions du secondaire et du supérieur, autant de pistes qu’il serait urgent d’explorer.

S’il est légitime de s’interroger sur la piètre qualité de l’enseignement secondaire, il est évident qu’il existe d’autres causes au taux d’échec « record » dans les deux premières années du bachelor. Afin de remédier à cette situation, nous préconisons que la promotion de la réussite et l’amélioration de la qualité de l’enseignement deviennent réellement des objectifs premiers de notre Alma Mater. Si notre recteur, avec l’aide d’un vice-recteur, a mis au point des initiatives intéressantes à cet égard, trop souvent les termes « innovation » et « pédagogie » engendrent convulsions et poussées de fièvre chez certains individus issus du personnel enseignant.

Il est pourtant clair qu’un traitement de fond est nécessaire afin de garantir que l’université remplisse son rôle crucial de formation de citoyens critiques, acteurs de la démocratie de demain.

Afin qu’elle puisse jouer ce rôle, nous devons nous battre pour que chacun puisse entamer une formation universitaire dans les meilleures conditions possibles. Nous ne voulons donc pas de ces universités américaines aux coûts d’admission prohibitifs et aux examens d’entrée hyper-sélectifs. Ainsi, nous refusons l’instauration d’un concours d’entrée en médecine, mais j’y reviendrai plus tard.

Depuis cette année, l’Université a connu une petite révolution : sa politique sociale a bénéficié d’un sérieux lifting. Le mode d’octroi de nos aides sociales a été remodelé en profondeur puisque aujourd’hui, l’université n’exige plus des étudiants les moins favorisés qu’ils travaillent pour financer leurs études – plus exactement, les revenus du job étudiant sont désormais immunisés pour le Service social.

Le Conseil d’Administration a développé un « plan stratégique » visant à améliorer la dramatique condition des étudiants émargeant aux CPAS.

La Commission des Affaires sociales étudiantes vient d’adopter une motion décrivant d’une manière exhaustive les nécessaires refontes du système des allocations d’études afin d’en garantir l’efficience. Et en la matière, je puis vous assurer que le législateur ne peut se contenter d’homéopathie !

Peut-être que tous ces acquis étudiants ont été obtenus parce que cette gangrène que représente la rupture de confiance n’a mystérieusement pas atteint le tissu de la Commission des Affaires sociales étudiantes. Nous espérons voir dans cette résistance immune le signe d’une potentielle rémission.

À ce stade, nous préconiserons donc tant à Madame la Ministre Marie-Dominique Simonet qu’à nos propres autorités la prise journalière d’une sérieuse dose de fibre sociale agrémentée d’un cocktail d’amphétamines – et ce afin de leur donner le courage politique dont ils ne devront pas manquer pour garantir la pérennité d’universités dignes de ce nom.

Nous venons d’aborder quelques questions sociales. Mais quels autres facteurs environnementaux pouvons-nous mettre en évidence qui expliquent l’état grippal – ou devrais-je dire « grippé » ? – de notre Alma Mater ?

Nous pouvons clairement identifier un terrible mégalovirus : les « rankings » ou, en Français, classements d’universités.

Qu’est-ce qui nous permet d’établir un algorithme de connaissance entre universités, si tant est qu’on peut la quantifier ? La logique gestionnaire actuelle veut que toute entreprise désireuse d’améliorer son rendement et sa productivité doit se comparer aux entreprises du même domaine qui « performent » mieux. On appelle cela le benchmarking. En se comparant les uns aux autres, nous en arrivons à nier les caractères spécifiques de nos enseignements, ainsi que leurs contextes. L’Europe sera ce magnifique espace normalisé où l’originalité sera condamnée. C’est le paradoxe de cette Europe que l’on voudrait de l’innovation…

Les rankings ont ceci de pervers qu’ils permettent de tuer toute diversité, ce qui rend l’espace d’enseignement supérieur plus facile à gérer. Pour qu’en faire ?

Les rankings ont également ceci de particulier qu’ils prétendent quantifier la qualité… On peut toutefois supposer que s’il existe encore des termes distincts pour exprimer la qualité et la quantité, c’est que ce choix est justifiable du point de vue sémantique. Ainsi, des critères quantitatifs servent à l’appréciation qualitative, ce qui aboutit à un raccourci intellectuellement malhonnête et non libre-exaministe : une université bien classée serait une université de meilleure qualité.

Outre cela, il convient de souligner que la qualité de la recherche est un paramètre majeur de ces classements, tandis que la qualité de l’enseignement semble relativement éloignée des préoccupations immédiates. Or une forme de logique voudrait que les chercheurs eussent à être formés décemment… Certes l’économie a besoins d’innovations et donc de chercheurs, mais la néglection de la qualité de l’enseignement n’est-elle pas une transplantation de cette logique marchande qui vise à donner la primeur à la rentabilité immédiate plutôt qu’à la construction d’un système durable ?

Autre infection qui semble chaque année gagner du terrain : lors qu’il y a trois ans, elle n’avait atteint que notre premier cycle, elle vient maintenant de se répandre dans notre second cycle, désormais qualifié de master. Il s’agit de la fièvre méditerranéenne, dite « processus de décomposition de Bologne ».

Ce processus vise avant tout autre objectif à créer une compétitivité importante entre les universités européennes, soit disant dans le but de tirer ces universités vers le haut. Cependant, la logique compétitive permet surtout de confortablement comparer les établissements aux moyens de critères dont la non-pertinence n’a d’égal que la force déployée pour les imposer.

Puisqu’il semble aujourd’hui que comparaison soit raison, Mesdames, Messieurs, procédons à l’étude comparative des université anglaises. Nous sommes obligés de nous rendre à l’évidence : les universités privées anglaises (dont certaines projettent de devenir des sociétés commerciales) vivent confortablement, loin de tout tracas bassement matériel. Par contre, les universités publiques sont soit contraintes de se regrouper pour former des fast-foods du savoir, et à ce sujet, le monde médical émet de vives réserves quant au caractère diététique d’une telle alimentation, soit contraintes d’aller « du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil, et puis, du lit au lit ».

D’aucuns seraient tentés de conclure de ces observations que le privé fonctionne et que le public s’effondre. Est-ce une fatalité ? L’enseignement supérieur belge est-il contraint à un enseignement à deux vitesses, divisé entre enseignement dit « d’excellence » et accessible à une minorité financière ou aux plus « méritants » et enseignement « plus accessible » pour que le peuple, à défaut de s’émanciper, puisse tout de même contribuer à la croissance économique ?

NON !

Il s’agit avant tout de choix politiques que nous sommes prêts à vous aider à porter.

C’est un choix politique de dire que l’enseignement et la recherche sont liés.

C’est un choix politique de construire un enseignement supérieur en harmonie avec la réalité sociale.

C’est un choix politique de faire en sorte que la politique transcende l’économie.

C’est enfin un choix politique de se résigner…

La résignation, Mesdames, Messieurs, a une conséquence : par elle, les ténèbres vaincquent les Sciences. A titre d’illustration, je me contenterai d’un exemple, à savoir la résurgence du créationnisme aux Etats-Unis. Cette résurgence, je l’expliquerai comme suit : les universités d’élite américaine qui – je vous le rappelle – figurent dans le top 10 des rankings d’universités, à force de s’isoler, ont perdu toute influence vis-à-vis de la Cité…

En guise de mesure préventive des plus efficaces, je vous invite à visiter ce musée du créationnisme récemment inauguré à Cincinati où les maquettes de dinosaures et de l’homo sapiens sapiens se côtoient. Vous pourez de la sorte mesurer toute la bêtise d’une société qui a euthanasié ses universités.

J’aimerais, avant de conclure, parler d’un autre mal qui, s’il ne provoquera que quelques lésions de l’intellect de notre société, pourrait s’avérer très coûteux en nombre de vies humaines. Et pourtant, nous ne pourrons pas prétendre ne pas avoir été prévenus : depuis 10 ans, les étudiants alertent le public quant aux conséquences néfastes de cette forme particulière de nécrose.

Il y a 10 ans en effet, le stress provoqué par les syndicats médicaux et les politiques a généré une nouvelle mutation appelée « numerus clausus » qui, depuis, a dégénéré en cancer, contaminant toutes les universités belges.

A l’heure actuelle, tout le secteur de soins hospitaliers et de médecine générale crie à la pénurie. L’industrie et la recherche ont rejoint les efforts ainsi entrepris en vue d’établir un programme de chimiothérapie pour éradiquer ce fléau.

Ceux qui ont mis en place ce système luttent aujourd’hui contre ce qu’ils ont instaurés.

J’aimerais pouvoir en rire, mais les conséquences d’une pénurie détruit le comique de la chose.

A titre d’exemple, on assiste à une surcharge de travail pour les candidats spécialistes, menant à un grand nombre de burn-out dont certains ont trouvé, cette année encore, une issue fatale.

Mais peut-être que ces vieux barbons qui voudraient nous faire croire encore à la pléthore de médecins considèrent-ils qu’il ne s’agit là que de « dommages collatéraux ».

La seule solution acceptable à cette situation, la seule cure qui viendra réellement à bout de ce cancer, c’est la destruction pure et simple du système de contigentement des professions médicales. Tout autre erzatz de solution sera immanquablement synonyme de préjudice social.

Nous avons évoqué l’usage d’une sorte de trithérapie pour vaincre la maladie dont souffre notre institution. Il se fait, hélas, que les coûts d’un tel traitement sont tout à fait prohibitifs. Et nous en revenons à la racine du mal et au nœud du problème : l’argent.

En conclusion de mon diagnostic, je tiens à vous informer que si nous n’obtenons pas rapidement un réel refinancement de l’enseignement universitaire, nous serons obligé d’arrêter les machines d’un système comateux.

Pourtant, notre université a ceci d’unique, qu’elle est la seule université de la Communauté française a faire du Libre Examen son principe fondateur. Le Libre Examen, ce n’est pas un label de contrôle qualité. Le Libre Examen n’est pas plus la recherche d’une vérité unique, d’une véritée révélée, non susceptible de discussion et d’évolution. Le Libre Examen implique que nos pratiques scientifiques aient pour objet la recherche de vérités plurielles découlant de la raison.

Nous exigeons de l’université qu’elle retrouve ses valeurs humanistes et démocratiques. Nous attendons d’elle qu’elle affirme son utopie, ce pari fou qui est à l’origine de sa fondation. De la sorte, nous pourrions presque atteindre l’idéal d’une Université Libre de Bruxelles. Le diable étant dans le « presque ».
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