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 (1)Discours de Cavit YURT,rentrée académique de l'ULB 2006

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Geoff
Vieux très con
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Geoff


Messages : 36
Date d'inscription : 07/08/2007
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(1)Discours de Cavit YURT,rentrée académique de l'ULB 2006 Empty
MessageSujet: (1)Discours de Cavit YURT,rentrée académique de l'ULB 2006   (1)Discours de Cavit YURT,rentrée académique de l'ULB 2006 EmptyLun 8 Oct - 23:46

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Recteurs,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Vos excellences,
Mesdames, Messieurs,
Camarades étudiants,

L’Université libre de Bruxelles, c’est Kafka, c’est Goethe.

Il y a de cela 40 ans, ce discours n’aurait pas été possible. Car il y a de cela 40 ans, les étudiants ne participaient pas à la prise de décision au sein des organes universitaires. De mai 68 à nos jours, c’est le paysage décisionnel de nos Universités qui s’est trouvé fondamentalement bouleversé.

En réalité, rien n’a changé… Car, rassurez-vous, confinée à un taux de participation de 20 % des sièges au sein du Conseil d’administration, la délégation étudiante n’a pas de marge de manoeuvre. 20 %, cela suffit pour dire « vous participez », mais cela ne permet pas de garantir l’effectivité de la participation. Mais là n’est pas le propos de la délégation étudiante en ce 15 septembre 2006.

L’allocution de la délégation étudiante sera structurée en deux temps.

Dans un premier temps, j’aborderai quelques questions soulevées par le processus de Bologne, notamment les problématiques touchant à la promotion de la réussite et à la mobilité étudiante. A la qualité de notre enseignement.

Dans un second temps, je terminerai mon bref exposé en esquissant un tableau qui dépeint les conséquences du sous-financement chronique de notre enseignement, conséquences au rang desquelles brille d’un éclat aveuglant le risque de marchandisation, voire de mercantilisation de l’enseignement.

L’ULB, c’est Kafka.

Pour le meilleur et pour le pire, l’enseignement en Communauté française en général et dans notre Université en particulier est entré dans l’ère dite de Bologne. Cette réforme à l’échelle européenne a charrié et charrie avec elle nombre d’espoirs et de doutes.
A lire l’intitulé du décret de Bologne, il y a de quoi rêver : « décret définissant l’enseignement supérieur, favorisant son intégration à l’espace européen de l’enseignement supérieur et refinançant les universités ». Et pourtant, quels que soient les espoirs suscités par la réforme annoncée, force est de constater que nous sommes loin, très loin du compte. Evidemment, nous ne sommes que dans la phase de lancement de la réforme, dans les balbutiements chaotiques inhérents à la mise en place de toute réforme en profondeur. Nous préférons toutefois parler de ce que nous connaissons : le temps présent.

Le décret de Bologne contient en germe, il faut le reconnaître, des potentialités de souplesse. Mécanisme de réussite conditionnelle, assouplissement de l’octroi des dispenses, report de session à session, etc. Cependant, la situation actuelle laisse à désirer.

Ainsi que le relevait la presse francophone il y a de cela quelques jours, les étudiants doivent à présent se livrer à de savants calculs afin de déterminer quels cours ils décident de passer en seconde session. Cela procède d’un exercice captieux, d’un travail de statistique de haute voltige, voire d’un exploit de diseur de bonne aventure. Arme à double tranchant, à effet pervers.

Il existe un système de réussite conditionnelle permettant à un étudiant de décider de reporter certains cours à l’année suivante. Le problème, c’est que certains jurys facultaires sont réticents face à un tel système et fixent des critères rendant très difficile l’octroi de ces facilités.

Le dossier des avis pédagogiques traîne, s’enlise et les Facultés n’avancent qu’à tâtons et cahin caha. A l’heure actuelle, on n’exige pas, en termes de formation pédagogique, d’un professeur d’université ce qu’on exige d’un enseignant du secondaire ou du primaire. Avoir fait une thèse de doctorat est certes le signe certain d’une compétence élevée, sur le plan strictement scientifique. La pédagogie, cela ne s’improvise pas.

Nous vivons dans un système qui prétend promouvoir la réussite, mais qui sélectionne toujours plus. On donne d’une main ce qu’on reprend de l’autre…

Le paradoxe suivant s’impose à l’esprit : à l’heure où l’on tente d’harmoniser l’enseignement à l’échelle européenne, on peine à l’harmoniser au niveau de l’Université. La délégation étudiante propose donc au nouveau recteur d’adopter un décret, lequel s’intitulerait : « décret définissant l’enseignement supérieur, favorisant son intégration à l’espace ulbiste de l’enseignement supérieur et refinançant l’université » ou « décret dit de Bruxelles », ou « décret Vincke », si vous préférez.

Bologne, c’est aussi le rêve d’une mobilité étudiante, favorisant les échanges entre universités, permettant l’élargissement des horizons, le dépassement du cadre strictement belgo-belge.

Mais une mobilité qui ne se donne pas les moyens de ses fins, c’est aussi la porte ouverte à toutes les discriminations, à la stigmatisation des étudiants les plus défavorisés, à un élitisme aveugle et sourd. Là où l’étudiant qui en a les moyens ira en Espagne, en Italie ou en Suède, l’étudiant défavorisé pourra goûter à l’exotisme dépaysant de notre Université soeur, la VUB. Ou aller étudier sur le campus Erasme, campus dont on connaît l’intense vie sociale…

Nous sommes, c’est évident, dans une phase de turbulence. Mais il ne faudrait pas, au nom d’un avenir incertain et imprévisible, sacrifier des dizaines de milliers d’étudiants sur l’autel de la compétition entrepreneuriale à l’échelle européenne, sur l’autel de cette course effrénée au ranking, au classement dans le tableau de l’Université de Shanghai, classement qui fait autorité.
L’histoire des Universités a commencé il y a à peu près un millénaire… à Bologne. Il ne faudrait pas aujourd’hui que le lieu de naissance d’un projet humaniste d’une telle ampleur en devienne le cimetière.

Ensuite, se pose la difficile question du financement de notre enseignement. On sait les périodes de famine traversées par la Communauté française dans les années 90 et les réformes à l’oeuvre depuis 2001.

Un Etat qui ne prend pas soin de son enseignement, tant fondamental et secondaire que supérieur joue avec le feu et joue avec son avenir. Trop souvent prisonniers d’une vue à court terme sur des enjeux qui dépassent largement les législatures, les décideurs politiques ne réalisent pas l’ampleur des enjeux. A moins d’un mois des élections d’octobre, on voit certaines choses évoluer, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Nous profitons d’ailleurs de cette tribune pour rappeler aux politiques qu’ils peuvent restaurer le Janson, nous permettre d’augmenter le nombre d’assistants, … En échange, ils auront droit à une belle plaquette en or, ce qui constitue, à l’évidence, un argument électoral de choix. Des centres de recherche politique de haut niveau ont démontré que l’on pouvait mener des réformes, même sans aucune élection à l’horizon ! Le problème au Plat Pays, qui est le nôtre, c’est qu’il y a toujours une élection à l’horizon…

On joue avec le feu, disais-je, car c’est du futur de notre société, du regard qu’elle porte sur elle-même, de son évolution et de ses révolutions qu’il est question quand on parle d’enseignement. Cela peut avoir des conséquences terribles, largement sous-estimées.

A maintes reprises, les politiques ressortent des plans de refinancement de l’enseignement et donnent l’impression de toujours proposer quelque chose de novateur. On nous ressert les mêmes plats, en en changeant la sauce, et la délégation étudiante a parfois l’impression d’assister, en Communauté française, aux noces de Cana, avec des décideurs transformant l’eau en vin et multipliant les pains.
La Communauté française n’en est cependant pas à une aberration près. Témoin l’adoption récente du décret dit « non-résidents ». Dans un Etat de droit où le droit se doit d’être prévisible et certain, ce décret prévoit… le tirage au sort pour l’inscription dans certaines filières ! Tirage au sort qui rappelle le bon vieux temps de la conscription militaire. On s’en remet au hasard pour inscrire des étudiants !

Ainsi donc, nous assistons à la réfédéralisation de la matière de l’enseignement, car la Loterie nationale ressortit à l’évidence de la compétence du fédéral. A l’avenir, on s’inscrira via le Win for life, ou en grattant un ticket de Subito…

Ainsi donc, à l’entrée de l’Université, le doigt de Dieu tranche ; à la sortie, c’est la main invisible du marché qui prend le relais…

Dans ce contexte kafkaïen, la délégation étudiante tient à souligner les axes importants qui sont, à son estime :
- la coopération entre Facultés : les initiatives des uns peuvent profiter aux autres (ex. : apprentissage par projet, guidance, Internet, …)
- la remédiation au taux alarmant d’échec
- l’évaluation de la qualité de l’enseignement (établissement de critères ; consultation des étudiants sur leur attentes, aspirations et projet de vie)
- le développement des Bureaux Etudiants
- les relations avec l’enseignement secondaire, afin que les institutions d’enseignement secondaire préparent mieux aux études supérieures. Car il y a un manque de dialogue et car certaines de ces institutions sont demandeuses d’un feed-back.
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Geoff
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MessageSujet: (2)Discours de Cavit YURT,rentrée académique de l'ULB 2006   (1)Discours de Cavit YURT,rentrée académique de l'ULB 2006 EmptyLun 8 Oct - 23:48

L’ULB, c’est Goethe.

Quand on observe la réalité avec des yeux d’étudiants fous d’indépendance, on décèle une double marchandisation. Une marchandisation de l’espace et une marchandisation du temps.

Marchandisation de l’espace. L’espace physique se fait de plus en plus privé. Le Foyer étudiant et le Foyer culturel ont disparu, et c’est avec beaucoup de peine que les divers acteurs de l’Université, dont nous sommes, tentent de dynamiser le nouvel espace prévu pour le Foyer étudiant. Une énorme enseigne lumineuse ING orne l’avenue Héger et nous rappelle qu’entre la librairie et la bibliothèque des sciences humaines, il y a une banque.


Marchandisation du temps.

Le processus de Bologne a remplacé la notion d’heure de cours par celle de « crédit ». Un crédit, ou, dans le jargon bolognais, un ECTS, ECTS signifiant « Système de transfert de transfert de crédits européen ». On croirait avoir affaire à un protocole de communication bancaire…

Simple question de terminologie ?

Auparavant, on parlait de programme des cours. Aujourd’hui, le site Internet de notre Université parle de « catalogue des cours », comme on parlerait d’un catalogue IKEA ou d’un catalogue des 3 Suisses.

Ces mots, aussi innocents puissent-ils paraître, n’en traduisent pas moins une réalité certaine : la marchandisation voire la mercantilisation de l’enseignement et la clientélisation de nos esprits. Ce ne sont pas là de simples jeux sémantiques. En mettant des mots sur une réalité, nous modifions la perception que nous avons de celle-ci. Le processus peut être inconscient, mais nous avons conscience de ses effets.

Toutefois, les mots ne sont pas toujours aussi anodins. Un grand homme a un jour déclaré à Trends Tendance : « un recteur, c’est un homme d’affaires à la tête d’une grosse entreprise qui génère de la recherche et des emplois ». Qui est l’auteur de ces propos ? Un puissant industriel ? un président-directeur général de l’une ou l’autre multinationale ? Eh bien, non, il s’agit d’un Recteur d’Université : le Recteur Pierre de Maret. Ces propos se passent de commentaires. Car il est des appréhensions qu’on ne doit même plus traduire en mots…

A trop vouloir ressembler à l’oncle ou au cousin américain, à coups de toges et de floches, on risque de ne plus ressembler à grand-chose. Il est d’ailleurs assez étonnant que vous soyez, Monsieur De Maret, devant une telle admiration devant les universités anglo-saxonnes au point de vouloir les singer trait pour trait, quand on sait que vous défendez, dans votre cours d’anthropologie sociale et culturelle, à très juste titre d’ailleurs, les bienfaits de la différence.

L’histoire récente de notre alma mater, c’est l’histoire de Faust. La tragédie de cet homme qui vendit son âme au diable. Qui vendit son âme au diable pour accéder à la connaissance infinie, pour assouvir toutes les tentations de la chair et de l’esprit. Faust a, il est vrai, un besoin de satisfaire une curiosité intellectuelle sans limites. Il est avide de connaissances.

L’ULB, aujourd’hui, ressemble étrangement et de façon troublante à un Faust désemparé. Manquant de courage pour assurer son salut par ses propres forces, notre Université se jette inconsciemment dans les bras de Méphistophélès. Méphistophélès qui aujourd’hui revêt, il est vrai, les effets de Dexia, d’Interbrew, de Suez ou encore de Fortis.

Arrive le moment où Méphisto propose à Faust de sceller le pacte fatal. Arrive le moment où des chaires privées s’invitent au sein même de notre Université.

On sait le prix à payer pour un tel pacte. On sait que Faust connaîtra la damnation éternelle, on sait que Faust vendra ainsi son âme.

Aujourd’hui, c’est l’âme de l’Université qui est menacée. Certes, on nous traitera de paranoïaques, d’utopistes, d’idéalistes, de jeunes non conscients des contingences et des contraintes du monde d’aujourd’hui, bouleversé par le rouleau compresseur de la globalisation sauvage. Nous préférons cependant parler aujourd’hui et exprimer nos craintes face à ce que nous ressentons comme une atteinte à l’esprit et à l’âme de notre Université.

Alors on institue des comités d’éthique, des chartes éthiques afin de se donner bonne conscience, afin de croire que les problèmes soulevés par l’immixtion du privé dans la sphère académique sont résolus. Mettre en place des comités d’éthique ou rédiger des chartes éthiques, c’est déjà faire l’aveu qu’un grave problème se pose. Des déclarations d’intention aux pratiques, il y a un pas que d’aucuns franchissent en oubliant ce qui fait l’identité même de l’institution universitaire.
Faust est un drame de la connaissance. L’Université libre de Bruxelles ne mérite pas cela. L’Université libre de Bruxelles est forte d’une longue tradition sociale et d’une grande ouverture citoyenne. L’honnêteté intellectuelle impose de reconnaître que sur nos campus, quoi qu’en disent certains, il existe une très grande liberté d’expression. Cette Université avec un grand u doit se montrer forte face aux inévitables tentations de ces Méphisto des temps modernes.

Monsieur Vincke, nous allons vous faire une proposition que vous ne pourrez pas refuser. Nous vous proposons, en reprenant les thèmes des six discours inauguraux prononcés par le Recteur De Maret, une feuille de route, dont les grandes lignes seraient les suivantes :
savoir – savoir qui ne doit pas justifier d’un intérêt pour être dispensé, quelles que soient les réalités de la Cité dans laquelle s’inscrit l’Université
pouvoir – ou comment décider ensemble ? vous allez y répondre, ou tenter d’y répondre dans quelques dizaines de minutes
devoir – ou le devoir de fédérer les différents corps, organisations et mouvements qui font la richesse de nos campus
promouvoir – promouvoir un enseignement de qualité et promouvoir la réussite, en permettant une égalité des chances pour tout le monde
croire – croire que quelle que soit la situation préoccupante de nos finances, des espérances sont possibles, et bien des renaissances sont à l’oeuvre ; croire que l’Université dont on rêve, dans nos paroles et dans nos discours, est devienne que l’on vit, et que les mots et la réalité se confondent
prévoir – prévoir les nuages noirs qui pèsent sur notre Université et les orages qui menacent celle-ci, afin de mieux préfigurer l’aurore nouvelle qui grandit à l’horizon…

Mesdames, Messieurs, je termine mon exposé en me projetant en 2046. Nous sommes en 2046 et je tenais à remercier tout particulièrement :
Microsoft, pour avoir mis à notre disposition l’ordinateur sur lequel ce discours a été préparé
Interbrew, pour avoir permis d’égailler les séances d’écriture
Fortis Bank, pour nous avoir prêté un bic
Proximus, parce que Proximus nous rapproche tous
Benetton pour les toges et Nike pour les chaussures

Je remercie également le Chief Executive Officer de l’Université pour sa bienveillance à l’égard des étudiants défavorisés qui n’ont pas pu réunir les 20 000 euros de minerval (par personne) nécessaires pour s’inscrire à l’Université. Merci donc au CEO de leur avoir permis de contracter un emprunt s’étalant sur 20 ans, afin de financer leurs études.

J’invite enfin les riches de l’Assemblée à rejoindre le lounge de réception de l’Université Post-Moderne, cotée sur Euronext.

Quant aux pauvres, ils peuvent rentrer chez eux.

Retour au 15 septembre 2006.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie pour votre attention.
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